Un livre dans lequel Michel Serres développe un concept qu’il a façonné depuis un petit moment maintenant : Petite Poucette.
Petite Poucette, concernée par un rapport inédit au monde, désigne tout individu (généralement dans la tranche des 0 à 35 ans) qui a un rapport familier avec le numérique et une approche intuitive à l’égard les nouveaux outils de communication. Petite Poucette est « connectée », capable d’écrire un sms à toute vitesse, et se sert tout naturellement de Wikipédia dès qu’une donnée est inconnue pour elle.
« Petite Poucette » est une plongée de 100 pages dans ce nouveau rapport aux choses et aux êtres qui nous entourent.
Michel Serres, le raconte dans une vision de l’avenir désempreinte de toute forme de pessimisme pour nous inviter à voir comment « ce nouveau monde est en train d’apparaître » et à l’accepter avec sérénité. Il s’agit simplement d’une évolution qui fera révolution. Petite Poucette est la dernière version de nous-mêmes et elle est en train de modifier profondément notre façon de communiquer, de penser et de travailler.
Le philosophe, qui décrit avec beaucoup de tendresse la génération de ses petits-enfants qu’il voit toujours smartphone à la main, explique que le comportement de Petite Poucette ne doit pas être vu comme un frein, un risque ou un obstacle à la connaissance et à l’intelligence, bien au contraire. Il faut simplement accepter que les choses changent, évoluent et qu’elles nous contraignent parfois ; et souvent à raison ; à changer notre manière d’appréhender le monde.
Prenant son cas en exemple, Michel Serres décrit avec beaucoup d’humilité comment il a dû se questionner et mettre sa façon d’enseigner en perspective avec ce nouveau monde empli de Petites Poucettes : il n’y a pas si longtemps que cela, quand un professeur rentrait dans sa salle de cours, il y avait ce que l’auteur appelle une « présomption d’incompétence » concernant les élèves. Aujourd’hui, il sait que lorsqu’il entre dans une salle de classe, il n’est plus un détenteur expert puis divulgateur unique de connaissances devant une foule de non-sachant et qu’il y a de grandes chances pour que les élèves se soient au préalable renseignés sur le sujet.
Petite Poucette vit avec son époque et dans l’instantanéité ; elle « tient en main l’espace et toutes les informations désirables » : n’importe qui peut être joint dans le monde par une Petite Poucette. Cette révolution qui est en marche va nous conduire à une plus grande objectivation des capacités cognitives de l’homme : la mémoire, par exemple, n’est plus toute puissante dans l’échelle de l’acquisition des savoirs dans la mesure où une myriade d’informations tient aujourd’hui dans un disque dur et dans le cloud, à portée de main, en permanence.
Reprenant les mots, sages et éclairés, de Montaigne qui préférait « une tête bien faite à une tête bien pleine », le philosophe répondra aux réfractaires aux nouvelles technologies que « des changements sont à l’œuvre » mais que « nulle décadence n’est à l’œuvre ». De ce fait, Petite Poucette représente une « utopie politique extraordinaire ». Bref, un livre plein de bonne humeur, d’optimisme, d’humilité et de tendresse.